Le rapport « Doing Business 2013 » présenté par la Banque mondiale fin octobre, qui compare la facilité à réaliser des affaires dans 185 pays, classait La Pologne en première place. Un article intéressant paru le 22 Janvier 2013 dans les colonnes du Monde revient sur les atouts polonais: des perspectives économiques jugées « remarquables », un partenariat stratégique liant Varsovie à Pékin et une demande intérieure lui permettant de limiter son exposition aux risques de contagion de la crise.

C’est ce qui s’appelle tirer son épingle du jeu. Alors que ses voisins se débattent toujours avec la crise, la Pologne est le seul pays de l’Union européenne (UE) – membre depuis 2004 – à ne pas connaître de récession depuis fin 2008, enregistrant une croissance cumulée de 15,8 % entre 2008 et 2011, de loin la plus forte d’Europe. Déjà, en 2009, en pleine crise mondiale, elle était le seul Etat membre à connaître une croissance positive, coiffant même au poteau l’ensemble des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à 1,7 %.

A cette époque, les ménages et les entreprises des pays de l’Est, particulièrement la Hongrie et la République tchèque, étaient fortement endettés en devises étrangères, ce qui n’était pas le cas de la Pologne. « Résultat, la monnaie des premiers s’est effondrée, décuplant le montant de l’endettement et des mensualités de remboursement, quand celle de la Pologne s’est simplement affaiblie. Le pays a alors pu profiter du gain de compétitivité lié à toute dépréciation de monnaie, sans subir pour autant une explosion de l’endettement privé », explique Marion Cochard, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Aujourd’hui, si les perspectives sont moins florissantes, elles n’en demeurent pas moins remarquables. Pour 2013, Bruxelles table en effet sur 1,8 % de croissance, contre 2,4 % attendus en 2012 et 4,3 % en 2011. Alors, la décision du Fonds monétaire international (FMI) d’accorder vendredi à Varsovie un nouveau crédit de précaution, d’un montant de 33,8 milliards d’euros (au taux de change actuel) et pour une durée de deux ans, sonne comme une récompense.

« PAS À L’ABRI DES RISQUES DE CONTAGION »

Réservée aux pays considérés comme bien gérés économiquement, cette ligne de crédit permet à ces derniers d’obtenir des liquidités à la période et dans les proportions qu’ils souhaitent. L’objectif : aider le pays à faire face au ralentissement de son économie, tout en préservant la confiance des investisseurs. Car, selon le FMI, bien qu’elle soit « très solide », l’économie polonaise commence à « ressentir les vents contraires venus du reste de l’Europe ». De son côté, l’OCDE estime que « la Pologne n’est pas à l’abri des risques de contagion associés à la crise sévissant chez ses partenaires commerciaux européens ». En effet, 78 % des exportations polonaises ont l’UE pour destination. Preuve de ce revirement, l’annonce par l’italien Fiat de la suppression de 1 500 emplois, soit un tiers des effectifs de son usine polonaise de Tychy, dans le sud du pays.

Mais c’est surtout la situation économique allemande qui affecte Varsovie, qui a reculé de 0,5 % sur les trois derniers mois de 2012. En effet, Berlin est son premier partenaire commercial et représente plus d’un quart de ses exportations (27 %). « La Pologne est quasiment devenu l’atelier de l’Allemagne, notamment grâce à l’outsourcing dans l’industrie, c’est-à-dire la sous-traitance des activités à faible valeur ajoutée », observe Mme Cochard.

Hors Europe, un nouveau relais de croissance est en train de se dessiner. Pékin fait désormais les yeux doux à Varsovie, quand elle préférait jusqu’alors sa consœur hongroise. La signature, en décembre 2011, d’un accord de partenariat stratégique entre les deux pays a permis de doper les investissements chinois. Une manière pour l’Empire du milieu de muscler sa stratégie de pénétration des marchés européens via l’Europe orientale : les investissements chinois y ont été multipliés par 18 entre 2004 et 2010.

LA CONSOMMATION INTÉRIEURE, MOTEUR DE CROISSANCE

Côté exportations, la Pologne bénéficie d’un atout de taille pour les rendre plus compétitives : avoir sa propre monnaie, le zloty, qui permet au gouvernement d’agir sur le marché des devises en le laissant flotter au gré de ses besoins. Au cas où « le ralentissement [était] plus marqué qu’escompté, la Pologne disposera d’une marge de manœuvre pour amortir le choc en assouplissant les conditions monétaires », constate en effet l’OCDE. La banque centrale de Pologne (NBP) a d’ailleurs abaissé, début janvier, son principal taux directeur de 0,25 point, à 4 %. C’est le troisième mois consécutif qu’elle prend cette décision.

Pas question donc de se presser pour adopter la monnaie unique. Varsovie table sur 2015 pour adopter tous les critères de Maastricht. Un proche collaborateur du président Bronislaw Komorowski évoquait une potentielle adhésion au 1er janvier 2016. Quoi qu’il en soit, le ministre des finances polonais, Jacek Rostowski, a prévenu en novembre : « Nous avons la ferme intention d’être membre de la zone euro, une fois que celle-ci aura été réparée et que les faiblesses les plus fondamentales (…) auront été éliminées ».

Pour Marion Cochard, c’est « justement la durée de la crise en Europe qui va déterminer l’avenir économique de la Pologne. Pour l’instant, son économie a l’avantage d’être diversifiée et de reposer sur des dynamiques internes : la Pologne est à la fois le plus gros pays de l’Est, avec 38 millions d’habitants et donc un fort potentiel de consommation intérieure, et le moins ouvert, c’est-à-dire qui dépend le moins de ses exportations. Elle est donc moins exposée aux risques de contagion de la crise ». La part des exportations ne représente en effet que 46 % du PIB polonais contre 77,5 % pour la République tchèque et 94,8 % pour la Hongrie. 

CONCILIER AUSTÉRITÉ ET CROISSANCE

Moteur de croissance du pays, la demande intérieure commence toutefois à caler sous l’effet de la politique d’austérité, cocktail – devenu presque désuet au sein de l’Europe – de réduction des revenus dans le secteur public, de gel des retraites et de coupes dans les investissements d’État. Une tendance qui va peiner à s’inverser, face à la montée du chômage. Il a atteint en novembre 12,9 % de la population active, comparé à 12,5 % en octobre.

« Cependant, étant donné que sa politique de rigueur est mesurée, et qu’elle arrive à réduire à ce rythme l’endettement public, la Pologne a l’avantage de ne pas tomber dans le cercle vicieux de l’austérité, à l’instar de ses voisins européens », souligne Mme Cochard. Ce qui fait la fierté de Radek Sikorski, le ministre des affaires étrangères polonais. « Notre exemple montre qu’on peut concilier [l’austérité et la croissance]. La Pologne est dans une situation heureuse car elle connaît la plus forte croissance d’Europe (…) tout en diminuant l’endettement, qui représente 52 % du produit intérieur brut », se félicitait-il dans Le Monde, en mars 2012.

« Il est tout à fait logique que la Pologne subisse un ralentissement de sa croissance en période de crise, qu’elle fonctionne en dessous de son potentiel, relativise Mme Cochard. Son avenir va se jouer en partie en fonction de la capacité de l’Europe et particulièrement de l’Allemagne, son premier partenaire commercial, de sortir de la crise. Toutefois, il ne faut pas oublier la capacité de rebond de l’économie polonaise, que l’on observe depuis le début de la crise ». En témoigne notamment le résultat du rapport Doing Business 2013, qui compare la facilité à réaliser des affaires dans 185 pays, présenté par la Banque mondiale fin octobre. La Pologne y arrivait en première place.


Source: LeMonde.fr, par Anna Villechenon

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