Le 17 mars, l’APGEF était invitée à participer au 20 ans du Groupe Europe de l’Est ESCP Europe Alumni et AHEC. Voici le compte-rendu de l’intervention de Gilles Lepesant, Géographe Directeur de recherche CNRS et chercheur associé au CERI sur le thème « L’Evolution de l’Est de l’Europe ».

 

ESCP Europe Alumni    –    GROUPE EUROPE DE L’EST  –    AHEC

Lundi 17 mars 2014 –  81 ième Réunion

Fête du 20ième Anniversaire du  Groupe Europe de l’Est au Palais du Luxembourg (Sénat)
L’Evolution de l’Est de l’Europe
par
Gilles Lepesant
Géographe, Directeur de recherche CNRS (Géographie-Cités) ; chercheur associé au CERI
 

 1. Europe Centrale

Les PIB de la Pologne et de l’Ukraine étaient similaires en 1990. 5 ans plus tard, le rapport entre les 2 est de 1 à 4. Les données concernant les autres pays d’Europe Centrale confirment que le choix européen a payé. Nuançons néanmoins en ajoutant que l’Ukraine a perdu du terrain, non seulement face à la Pologne, mais aussi face à la Russie.

 La crise aurait pu tout remettre en cause. Elle s’est traduite par un reflux massif des capitaux. Néanmoins, elle n’aura que temporairement retardé le processus de rattrapage. En 2008, tous les pays enregistrent des taux de croissance inférieurs à celui de l’UE 15. Néanmoins, dès 2009, un retour à la situation antérieure est observé. À partir de 2010, de nouveau, l’Europe Centrale fait mieux que l’UE-15.

À la question : comment les élargissements ont-ils résisté au test de la crise ? On pourrait répondre : les élargissements de 2004 et de 2007 : plutôt bien. Certains pays ont un PIB qui se rapprochent de la moyenne communautaire. Ce sont les pays entrés en 1981 et en 1986 qui ont posé problème. Pour autant, le modèle de développement mis en place en Europe Centrale doit évoluer : faire face à l’inexorable hausse du coût du travail en améliorant la productivité et intensifier l’effort d’innovation.

 À ce jour, l’Europe Centrale a la population la plus jeune d’Europe. Demain, elle aura l’une des plus âgées. Quand on sait le rôle de la démographie dans les miracles économiques, que ce soit en Asie du Sud-Est ou en Irlande, c’est un fait important.

L’état des finances publiques en Europe Centrale est loin d’être exemplaire partout. Néanmoins, aucun pays d’Europe Centrale n’a un déficit supérieur à celui de la France (sf Croatie), aucun pays d’Europe Centrale n’atteint son niveau d’endettement.

La politique régionale, qui absorbe le tiers du budget européen, fournit des moyens considérables aux nouveaux États membres. Néanmoins, les pays d’Europe Centrale ne doivent pas oublier que les pays les plus touchés par la crise en Europe du Sud ont aussi été les principaux bénéficiaires de la politique de cohésion pendant des années. Ce qu’a confirmé la crise en Europe du sud c’est que l’adhésion + les fonds structurels ne constituent pas une recette miracle, surtout dans le contexte de l’union monétaire. 

 

2. Voisinages

Sur les 25 dernières années, le taux de croissance de la Russie est à peine supérieur à 1%. Par rapport aux autres BRIC et en PIB/habitant en PPA, elle ne démérite pas. Le paradoxe de l’Union douanière qu’elle propose est que le contexte est plutôt à la dérussification des économies voisines. S’agissant de l’énergie, la Chine est-elle concurrente de l’Europe ? Oui, un réseau se constitue à l’Est. Premier oléoduc en 2010. Premier gazoduc en construction. Néanmoins, la Chine est loin d’être un partenaire facile. En témoignent les longues négociations entre elle et la Russie sur le prix du gaz. En outre, elle est déjà liée au Kazakhstan par un oléoduc et au Turkménistan par un gazoduc qui l’approvisionne depuis l’un des plus grands gisements du monde.

La diversification est une nécessité dans tous les pays de la CEI. L’Ukraine est entrée sur les marchés mondiaux dans les années 90 pour compenser le déclin de la demande intérieure. Grâce à une intégration verticale des entreprises (permettant à la plupart de celles-ci de disposer de leurs propres mines de charbon et de leurs gisements de minerai de fer), à des coûts salariaux peu élevés, à un coût de l’énergie compétitif, à la fenêtre sur la mer Noire, le secteur a pu bénéficier de la forte demande des pays émergents. Cette croissance dépend aussi de l’agriculture. Le défi pour elle comme pour les autres pays de la CEI est d’exporter des produits à forte valeur ajoutée et pas uniquement des céréales.

Ce qui mine le développement de ces pays, c’est aussi l’incertitude géopolitique, d’autant + problématique qu’elle affecte la stabilité du couloir Caspienne-mer Noire important pour l’approvisionnement énergétique de l’Union et qui, vue de Washington est à mi-parcours entre l’Europe otanienne et la zone Afghanistan-Pakistan.

Le Traité d’association nouvelle formule que l’UE souhaite signer avec les pays du voisinage ne préjuge pas d’une éventuelle adhésion. Néanmoins, il comprend un Accord de libre-échange qui est sans précédent. Jamais l’UE ne s’est engagé dans des accords aussi ambitieux que ceux-là. L’accord de libre-échange concerne en effet tous les secteurs économiques et prévoit que les pays partenaires reprennent une partie de l’acquis.

L’Arménie a cédé aux pressions russes. La Géorgie et la Moldavie doivent signer cet été. L’Ukraine devait-elle s’engager dans une telle voie ? Cela ressemble à une stratégie de pré-adhésion, sans la perspective explicite et sans l’assistance financière qui va généralement avec.

  Conclusion

 – Après 25 années de transition, il apparaît que l’élargissement a été un succès, que la région est de plus en plus différenciée et que les pays voisins posent des problèmes très spécifiques, différents de ceux de l’Europe Centrale.

– La politique de voisinage met ces pays au défi de s’européaniser. Elle inverse la charge de la preuve.

– Cela étant, la question de fond est donc bien quelle place pour la Russie, comment faire pour que les dirigeants russes ne perçoivent plus le jeu sur le continent comme un jeu à somme nulle ?

– « La Russie ne sait pas vraiment où elle commence ni où elle finit. Le jour où nous conviendrons dans le calme où termine l’Union européenne et où commence la Fédération russe, la moitié de la tension entre les deux disparaîtra » Vaclav Havel, février 2005

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