Premier chef de gouvernement non communiste en Pologne et dans le bloc communiste à l’Est en 1989, grande figure de Solidarność, Tadeusz Mazowiecki  est décédé ce lundi à Varsovie, à l’âge de 86 ans.

 

Tadeusz Mazowiecki (photo: Polska Fundacja im. Roberta Schumana)

Tadeusz Mazowiecki (photo: Polska Fundacja im. Roberta Schumana)

Un  combat de toute une vie en faveur de la liberté et contre l’oppression

Né en 1927 à Plock, Tadeusz Mazowiecki a consacré sa vie à la lutte contre le totalitarisme et l’oppression. Juriste de formation, il a joué un rôle de premier plan dans la résistance au communisme, mais aussi dans le dialogue avec le pouvoir, à travers les clubs de l’intelligentsia catholique (KIK) ou le mensuel Więź, qu’il avait fondé en 1958.  Elu député catholique en 1956 au sein du groupe Znak, Tadeusz Mazowiecki fut l’un des rares parlementaires à s’élever en 1968 contre la répression des manifestations étudiantes et les purges antisémites.

Dès 1980, il est l’un des premiers intellectuels à soutenir la lutte de Solidarność contre le pouvoir communiste. Il devient alors chef du groupe d’experts du syndicat. Quand le régime capitule quelques années plus tard, Mazowiecki est l’un des principaux négociateurs de la table-ronde organisée entre le pouvoir communiste et l’opposition démocratique représentée par Solidarność. Lorsqu’il est élu Président de la République polonaise, Łech Wałesa le nomme à la tête du premier gouvernement non communiste. Il occupera ce poste de 1989 à 1991. Candidat à la première élection présidentielle libre, il ne parvient pas, malgré son poids politique, à vaincre la popularité de Łech Wałesa.

 Au milieu des années 1990, Tadeusz Mazowiecki devient rapporteur de l’ONU pour les droits de l’homme dans l’ex-Yougoslavie. Constatant son impuissance à freiner les exactions contre les populations civiles, notamment à Srebrenica, il présente un rapport qui met en cause les différentes parties du conflit en Bosnie-Herzégovine, avant de démissionner de son poste.

Un ardent défenseur de la cause européenne

Mazowiecki fut aussi un avocat infatigable de l’intégration de la Pologne dans une Europe unie. Selon l’actuel président polonais, Bronislaw Komorowski, « il a bien contribué à la reconnaissance définitive de la frontière polono-allemande sur l’Oder-Neisse, élément clé d’un nouvel ordre européen ».  En 1991, il fonde la Fondation Robert Schuman polonaise (Polska Fundacja im. Roberta Schumana), ONG visant à promouvoir l’idée européenne en Pologne et à préparer ses habitants à l’entrée dans l’Union européenne, qu’il savait déjà inéluctable. Encore très active aujourd’hui, cette fondation européenne met en œuvre des campagnes d’information sur l’utilisation des fonds européens, les institutions européenne ou encore la citoyenneté européenne, en particulier à destination des jeunes, et coopère avec de nombreux think tanks et ONG partout en Europe et au-delà.

 « Nous avons perdu un combattant de la liberté, réformateur, intellectuel et homme d’État, qui a contribué à changer l’histoire de la Pologne et de l’Europe », a  indiqué ce matin Martin Schulz, Président du Parlement européen, dans une déclaration à Bruxelles. « Ce fut l’un des pères de la liberté et de l’indépendance polonaise »,  a déclaré quant à lui le ministre des Affaires étrangères, Radosław Sikorski.

 En signe de deuil, les drapeaux ont été mis en berne aujourd’hui à Varsovie, notamment sur les sièges de la présidence, du gouvernement et du Parlement. Leurs sites internet sont apparus en noir et blanc.

Voir aussi: « Mazowiecki ou quand l’Europe bascula » (Le Monde du 28.10.2013), « Décès de Tadeusz Mazowiecki, 1er chef de gouvernement non communiste à l’Est » (Libération du 28.10.2013)

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