La Pologne a bénéficié de fonds importants de l’UE pour financer ses grands projets. Elle engrange surtout les bénéfices d’une décennie de réformes, d’un système bancaire sain et d’une politique d’endettement stricte. Cette série est publiée sur notre site avec l’aimable autorisation du journaliste Stéphane Laugée que nous remercions très chaleureusement.

Infrastructures, Télécoms, Energie : un pays en chantier permanent

Ces dernières années, la Pologne s’est transformée en un vaste chantier. Un peu partout dans le pays, des autoroutes se construisent et des gares ferroviaires s’embellissent. Le nucléaire et le gaz de schiste sont présentés comme les grandes énergies de demain. La Pologne avance à grande allure. Elle rattrape son retard des années communistes et a commencé à investir, et ce pendant les 20-30 prochaines années, dans le secteur des énergies et des infrastructures. L’Euro 2012 de football, en co-organisation avec l’Ukraine, a d’ailleurs donné un sacré coup de fouet à l’agenda des travaux, avec notamment l’aide précieuse des fonds structurels européens. Et à la tête de la plupart de ces projets d’avenir, des quadras dynamiques. C’est l’avis du ministre du Budget Mikolaj Budzianowski, lui-même jeune quarantenaire, passionné par la créativité de Steve Jobs : « Une nouvelle génération prend les rênes de l’économie avec plus de dynamisme et de façon plus occidentalisée. Il me semble que la Pologne a pris de la vitesse et nous devons main- tenir cette rampe de lancement. Nous sommes en train de vivre la même émulation qu’ont connu les USA dans les années 80 ».

Wschód słońca w centrum Warszawy. Foto: Jacek Rępalski / www.repalski.net

Wschód słońca w centrum Warszawy – Foto: Jacek Rępalski

Infrastructures

Dans la capitale, la spécialiste des besoins en infrastructures est une femme. Le mandat de la maire de Varsovie, Hanna Gronkiewcz-Waltz, est rythmé par des travaux en tout genre, son leitmotiv depuis son élection en novembre 2006 : « Mon objectif était de rajeunir et dynamiser la ville surtout au niveau des infrastructures. Varsovie était en retard sur ce plan par rapport aux autres capitales, il fallait un nouveau pont, de nouveaux tramways, de nouveaux bus, un nouveau métro ». Bilan en 2012 : des transports en commun efficaces sur toute la capitale, et une deuxième ligne de métro en construction prévue fin 2013 pour la première tranche apportant 14 stations au réseau existant. Des infrastructures qui boostent une ville de plus en plus ouverte vers l’extérieur. « On sent que Varsovie tend les bras aux investisseurs, il y a de nombreux projets immobiliers d’envergure, notamment des tours qui confèrent à la ville une nouvelle skyline », précise-t-elle avant d’ajouter : « Si l’on regarde ces cinq dernières années, il a eu 2 milliards d’euros de moyens en provenance de l’Union Européenne. Nous n’aurions jamais pu construire la deuxième ligne de métro sans l’aide de ces fonds ». Ancienne DG de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), à Londres, ex-gouverneur de la Banque centrale de Pologne, Hanna Gronkiewcz-Waltz connait les rouages de ce type d’investissements. « Cet argent est emprunté à des institutions Européennes, comme la BERD, la Banque du Conseil de l’Europe, et nous émettons des obligations de la ville. Pour les transports en commun j’ai du augmenter le prix du ticket, pareil pour l’eau, car il y avait beaucoup d’investissements à faire. » A l’image de sa capitale, la Pologne s’organise. Les nouvelles infrastructures favorisent le développement des échanges et donc des régions. Pourtant un frein vient mettre à mal beaucoup d’efforts dans ce domaine : la bureaucratie. Au grand désespoir du ministre du Budget, Mikolaj Budzianowski « Nous devons nous organiser face à la paperasserie pour trouver des façons d’harmoni- ser la loi polonaise avec les lois de l’Union européenne ». Un reliquat de l’époque du rideau de fer à qui les Polonais attribuent volontiers les routes engorgées et délabrées ou le transport ferroviaire, tristement célèbre en Europe pour sa dangerosité. Selon un rapport de l’Agence Ferroviaire Européenne, daté de novembre 2011, les chemins de fer polonais sont les plus dangereux de toute l’Union européenne: 1/6e de la totalité des accidents dans les 27 Etats membres.

Orange Polska : l’histoire d’un leader

Compte tenu du retard important de la Pologne sur les lignes fixes dans les années 90, la modernisation des télécommunications a été longue. Avec un beau bonus pour la France qui a su tirer profit de cette situation : en 1996 la Pologne a consenti à privatiser une partie de son monopole national au profit de France Telecom. A ce jour la société est toujours en tête, même si la réglementation et la concurrence polonaises sont sévères. Au cœur d’un marché de l’IT florissant, quelques PME ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à se faire une place parmi les leaders Européens. C’est le cas de la société Asseco, société leader en édition de logiciels, qui a su proposer les bons produits et a très vite atteint des volumes lui permettant d’être compétitive et expérimentée en Europe de l’Ouest.

Quadra dynamique, Maciej Witucki est un entrepreneur bilingue franco-polonais qui a décidé de revenir en Pologne pour contribuer au développement de son pays. Arrivé à la tête de TPSA en 2006, il a été confronté dés le début à des complications : «un baptême du feu avec une régulation dure et imprévisible qui a empêché le groupe de progresser jusqu’à un accord signé en 2009, et jusqu’à 7 licences de mobile». Depuis deux ans, il recentre le groupe sur des activités mères comme la téléphonie/internet fixe et mobile, avec un fort accent sur l’innovation. La politique marketing du groupe marque les esprits et lui a permis de jouer un rôle de sponsor officiel de l’Euro 2012.

Questions à Maciej Witucki, président de TPSA Orange Polska

Comment avez-vous percé sur le marché polonais ? Quels sont vos domaines de croissance ?
M.W. : Notre offre de services de télécommunications et multimédias, la plus vaste du marché, ainsi que l’amélioration constante de la qualité, de l’offre et du service client assurent notre compétitivité. Nous proposons à nos clients, individuels et entreprises, plusieurs centaines de services et solutions complexes, tout en étant réactifs aux changements du marché.

Le taux de pénétration de la population par des cartes SIM est de 130 % – un ratio très élevé, lié à la substitution de la téléphonie fixe par le mobile. Néanmoins, avec l’accroissement des besoins en vitesse de transfert de données, nos clients perçoivent les avantages de l’internet fixe, dont l’attractivité ne cesse de croître. Il y a trois ans, nous vendions des services en offrant un débit de 3 Mb/s, puis de 6 Mb/s. Aujourd’hui, nos offres les plus récentes arrivent à 40 voire 80 Mb/s. La technologie 3G, avec tout le respect qui lui est dû, nous a un peu déçus dans ce domaine. Il en va de même, d’ailleurs, avec la LTE qui, il est vrai, rend possible le transfert à 100 Mb/s, mais la qualité du service se dégrade à partir du moment où beaucoup d’usagers utilisent la même station-base. Cette limitation concerne également les modems 3G connectés à des portables. Pour l’heure, la communication mobile à haut débit offre des possibilités res- treintes – à moins de mettre en place un relais LTE dans la cour de chaque client. L’évolution du marché m’a donc convaincu qu’il fallait développer un réseau fixe qui concurrence les réseaux mobiles et assure la desserte d’une bonne part du trafic internet, tout en décongestionnant les réseaux mobiles. Des études qui prouvent que l’on bénéficie à 80 % des services mobiles en stationnaire confirment le sens de cette démarche !
Les technologies 4G, qui font leur entrée sur le marché, seront utiles là ou les lignes fixes sont trop onéreuses : moins chères et plus efficaces à la fois, elles permettent une meilleure expérience client. Cependant, que ce soit par le cuivre, la fibre optique ou autre, ce qui compte c’est un débit suffisant et un usager satisfait. L’équilibre entre l’expérience client et le coût de son assurance, c’est ce que le client attend de nous. »

Vous avez également dû faire face aux enjeux réglementaires …
M.W. : En 2006, le marché polonais des télécoms a vécu un ‘tremblement de terre’. Nous avons dû, en l’espace de six mois à peine, prendre à notre charge ce que les autres opérateurs européens ont pu faire en 10-15 ans.

Le Régulateur nous a arbitrairement imposé des tarifs beaucoup plus bas pour l’accès à la boucle locale d’abonnés, du jour au lendemain, et à un niveau record de 5 euros, contre 9 à 12 euros en Europe. Bien sur, la main d’œuvre tient une part substantielle du coût total, mais la plupart de nos coûts sont les mêmes qu’ailleurs : matériaux, fibre optique etc. Parallèlement, cette politique administrative de “rétablissement de l’équilibre du marché” signifie que nos concurrents ont bénéficié de l’accès à nos lignes à presque moitié prix.

D’ailleurs, imaginez que le quatrième opérateur (15% de PDM), est autorisé à pratiquer, dans les comptes interopérateurs, des tarifs de 60 % supérieurs à d’autres. Quand ses clients appellent un numéro Orange, cela leur coûte une unité, alors que l’inverse coûte 1,6 unité à nos clients ! Et en juin 2010 cela nous coûtait encore 3 unités, soit 300 % d’asymétrie ! Naturellement, les régulations existent partout, mais en Europe elles sont souvent politiques et les arguments ne sont pas toujours économiquement justifiés. En conséquence les revenus baissent et les investissements aussi. Bref, les rapports entre Orange Polska et l’administration n’ont pas toujours été faciles, mais en 2009 nous avons passé un accord crucial qui a normalisé nos relations et a permis aux intéressés de se concentrer sur l’activité de base.

Diriez-vous aujourd’hui, après ces déboires que vous êtes à l’abri ?
M.W. :
Aujourd’hui, à la lumière des cotations d’Orange Polska à la bourse de Varsovie (sous le nom Telekomunikacja Polska S.A.), nous avons plus de raisons d’être optimistes. Grâce à l’accord avec l’Office pour la Communication Electronique, nous avons gagné en stabilité et pouvons mieux informer nos investisseurs sur nos investissements à long terme. Nous ne serons jamais complètement “ à l’abri “, ce serait d’ailleurs, dans une économie de libre échange, non seulement impossible mais aussi préjudiciable, car cela n’inciterait pas à rechercher de nouvelles solutions, meilleures.

Tous nos services pouvant bénéficier de la marque Orange, nous pouvons les proposer en paquets, à l’image de notre offre Open convergente qui regroupe services mobiles, fixes, internet et TV HD. Aucun concurrent ne les offre en un paquet unique. Et c’est cela, la force d’Orange.

Dans 5 ans, Orange va placer sur le marché, outre des services téléphoniques, internet ou TV, de tout nouveaux services comme la télégestion de la consommation énergétique (une énergie intelligente a, par ailleurs, un avenir radieux avec le renchérissement du coût et la recherche de solutions “vertes” !), la prise de commande de produits en rupture de stock par le réfrigérateur, la commande à distance des équipements domestiques… Nous poursuivrons l’intégration en proposant un paquet ménager global. Nous voici à l’heure d’une révolution numérique: l’impossible hier devient une réalité au quotidien. Nous voulons, chez Orange, être au cœur de ce monde dynamique qui offre tant de possibilités pour chacun de nos clients.

 

FakroPortrait: Fakro – le N°2 mondial des fenêtres de toit concurrence Velux

Surtout ne lui dîtes pas “Velux” pour “fenêtre de toit”. Ryszard Florek, fondateur du leader polonais de la fabrication de fenêtres de toit en a fait son combat. Entrepreneur de la première heure, sa société fondée sous la Pologne communiste, est un modèle de réussite. Vous êtes aujourd’hui le 2e fabricant mondial de fenêtres sur toit, après le Danois Velux, dont vous dénoncez la position monopolistique… quelle est l’actualité de votre entre- prise en 2012 ?
R.F. : Notre priorité actuelle est le dépôt d’une plainte auprès de la Commission Européenne. Ce document compte presque 200 pages, pour un investissement de près de 2 millions d’euros ! Nous avons déposé cette plainte car, selon nous, notre concurrent principal – la société danoise Velux viole les règles anticoncurrentielles. Nous espérons une décision positive pour FAKRO, d’autant plus que la Commission Européenne avait déjà examiné les plaintes d’autres sociétés européennes dans un sens défavorable à Velux. Cette affaire est très importante pour nous. Fakro emploie 3000 personnes mais nous estimons que si Velux ne violait pas les lois de libre concurrence, nous serions deux fois plus nombreux.

Votre société est très innovante : votre offre comprend des produits que l’on ne trouve pas chez Velux …
R.F. : Depuis toujours FAKRO mise sur l’innovation. Nous avons lancé sur le marché plusieurs produits, notamment la fenêtre de toit basculante-pivotante FPPpreSelect, qui avait provoqué une véritable révolution. La séparation des ouvertures par projection et par rotation était une nouveauté absolue. Cela nous a permis d’obtenir une grande stabilité dans la construction tout en gardant des valeurs utilitaires. La ligne des fenêtres de toit avec l’axe de rotation élevé ProSky sont les fenêtres de toit les plus hautes sur le marché. Quant aux fenêtres pivotantes FAKRO FTP-V P2 Secure, elles protègent contre les effractions en assurant la sécurité des habitations. Mais la grande nouveauté de FAKRO, c’est la fenêtre-balcon FGH-V Galeria, laquelle, une fois fermée, devient une simple fenêtre de toit. Pendant la fermeture de l’ouvrant inférieur, les balustrades du balcon se cachent dans la fenêtre et ne dépassent pas de la surface du toit, ce qui différencie FAKRO de la concurrence. Notre société continue aussi à améliorer les produits à économie d’énergie et passifs y compris les collecteurs solaires ainsi que les cellules pho- tovoltaïques. La fenêtre de toit FAKRO FTT U8 Thermo est la plus économique des fenêtres de toit au monde. Depuis 9 ans FAKRO commercialise également des escaliers escamotables.

Quelle est la part de budget allouée à la R/D ?
R.F. : En plaisantant je dirais que nous dépensons autant qu’il en faut. Ce n’est pas un secret : les innovations coûtent cher. Mais je peux vous avouer avec fierté que FAKRO dispose d’un Centre de recherche et de développement de 70 ingénieurs. Notre société a déjà déposé près de 90 brevets. Il y a des pays où l’on exporte non seulement des fenêtres de toit mais aussi des solutions innovantes et des idées originales conçues par des ingénieurs polonais. Avec tout cela, notre société apporte de nouveaux axes de développement dans le monde.

Comment voyez-vous FAKRO dans 5 ans ?
R.F. : J’espère que dans cinq ans la distance entre FAKRO et le leader mondial du marché des fenêtres de toit diminuera. En plus notre société deviendra le leader dans le secteur d’escaliers escamotables. Notre stratégie de société globale est réalisée de manière conséquente, plus la part de marché augmente, plus les coûts diminuent, surtout ceux de la distribution, jusqu’à 20%.

Retrouvez l’intégralité du dossier « La Pologne, bastion anti-crise de l’U.E. ? » en cliquant ici

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