Point de presse conjoint de M. Alain Juppé, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes, avec M. Radoslaw Sikorski, ministre polonais des Affaires étrangères.


Propos de M. Juppé

Mesdames et Messieurs,

C’est un grand plaisir pour moi de recevoir mon ami Radoslaw Sikorski pour cet entretien bilatéral.

Les relations entre la France et la Pologne sont excellentes. J’ai salué l’efficacité avec laquelle la Pologne a présidé l’Union européenne au deuxième semestre de l’année dernière et a atteint des résultats très satisfaisants ; par exemple, l’adoption du paquet législatif sur la gouvernance économique, ce que l’on appelle le « six-pack », en engageant les travaux sur les prochaines perspectives financières ou, enfin, en présentant un compromis très équilibré sur le brevet européen qui est sur la table et que la France accepte évidemment volontiers.

Par ailleurs, vous savez que la France a des relations économiques étroites avec la Pologne : nous sommes l’un des tout premiers investisseurs dans ce pays avec 20 milliards d’euros de flux cumulés d’investissements et nos échanges commerciaux atteignent aujourd’hui 15 milliards d’euros. Nous sommes tout à fait désireux de renforcer encore ces relations économiques.

Nous avons évoqué bien sûr, au-delà des questions européennes, l’état du monde. Nous nous sommes retrouvés sur la même ligne s’agissant du soutien au plan de Kofi Annan pour la Syrie ou bien encore de notre politique de voisinage orientale et méridionale. Je voudrais enfin insister sur le fait que dans, le cadre du Triangle de Weimar, l’Allemagne, la France et la Pologne défendent ardemment les progrès de la Politique de sécurité et de défense commune européenne, la PSDC. De ce point de vue, nous avons en décembre dernier, franchi un cap extrêmement important en décidant de lancer de nouvelles opérations communes, en soutenant 11 projets de mutualisation de l’Agence européenne de Défense et en décidant aussi d’activer le Centre d’opérations européen pour conduire les opérations au Sahel et dans la Corne de l’Afrique.

Nous avons évoqué bien d’autres sujets et je voudrais redire à Radoslaw Sikorski qui m’a magnifiquement accueilli dans sa maison, à l’occasion d’une rencontre du Triangle de Weimar, l’amitié de la France qui entretient depuis toujours avec la Pologne des liens très étroits.

Q – M. Sikorski parle aujourd’hui du besoin d’une intégration approfondie et, me semble-t-il, la France et le président Sarkozy ont un avis un peu différent. Le président Sarkozy a même évoqué la possibilité de suspendre l’Espace Schengen. Sur la fusion des présidences, le postulat qui est apparu à Berlin est de rassembler le poste de chef de la Commission européenne avec celui de l’Union européenne.

R – Concernant Schengen, très brièvement, la France est très attachée à la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’espace Schengen. Mais si les frontières extérieures de Schengen, les frontières entre les États membres et les pays qui n’appartiennent pas à cet espace sont trop poreuses, si les contrôles ne sont pas effectifs, Schengen ne peut pas fonctionner. Ce que nous demandons, c’est de réformer le fonctionnement de l’espace Schengen pour que précisément les contrôles aux frontières externes soient effectifs. Je ne pense pas que la Pologne soit en désaccord avec nous sur ce point. Cette demande, nous l’avons déjà formulée en 2011. La Commission a commencé à y travailler et nous avons indiqué que nous voulions maintenant une réforme de la gouvernance même de l’espace Schengen. J’espère que nous n’aurons pas à aller jusqu’à la suspension évoquée par le président de la République. Sur la fusion des présidences, je ne connais pas de projets qui soient sur la table à ce propos. On peut en parler naturellement mais ce n’est pas un projet du gouvernement français.

Q – À propos de la Syrie, pouvez-vous confirmer que l’Union européenne va prendre des sanctions contre l’épouse de Bachar Al-Assad ? Par ailleurs, le CNS a condamné la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité de l’ONU disant que cela donnait plus de temps au président Al-Assad pour réprimer son peuple.

R – Sur le premier point, c’est une question dont nous discuterons demain au Conseil des ministres des Affaires étrangères. Sur le second point, je me réjouis de la déclaration présidentielle qui a été adoptée à l’unanimité par les Nations unies parce qu’elle nous permet enfin de commencer à sortir du blocage qui existait dans cette enceinte. Nous nous étions fixés deux lignes rouges dans cette déclaration : d’abord, exiger du régime qu’il prenne l’initiative d’arrêter l’utilisation de la violence et que, bien sûr, en face, ce cessez-le-feu soit immédiatement suivi. La deuxième ligne rouge, c’est une référence explicite à la transition politique qui est nécessaire pour que le peuple syrien puisse accéder à la démocratie. Ces deux éléments figurent dans cette déclaration grâce à ce qu’il faut bien appeler l’évolution de la position russe. Nous faisons maintenant confiance à M. Kofi Annan pour convaincre les parties qu’il faut mettre en œuvre cette déclaration.

Q – Pouvez-vous nous donner votre réaction sur le dénouement de l’affaire de Toulouse et nous en dire un peu plus sur la faille que vous avez évoquée ce matin dans l’enquête préalable ?

R – C’est tout à fait extraordinaire, je n’ai évoqué aucune faille. C’est un observateur qui a parlé de « faille ». On m’a posé une question et j’ai dit que je ne pensais pas qu’il y avait une faille mais que, s’il y en avait une, il fallait faire la transparence. Voilà comment se crée le « buzz » médiatique. Pour ce qui concerne l’achèvement de cette tragédie, provisoire en tout cas, vous avez vu que M. Guéant a été présent sur le terrain depuis le départ. Nos forces de police ont été particulièrement efficaces. Nous avons donné toutes ses chances à ce meurtrier pour lui permettre de se rendre et d’être ensuite traduit en justice. Il n’a pas voulu saisir cette opportunité, il s’est entêté dans une position de refus absolu. Il y a eu un moment où il fallait absolument que l’intervention ait lieu. C’est ce qui s’est passé et je n’ai pas davantage de commentaire à faire sur ce dénouement.

Q – Pouvez-vous nous dire un mot sur l’affaire Florence Cassez ?

R – Je me suis déjà exprimé sur cette affaire. J’ai dit que je regrettais naturellement cette décision de la Cour suprême qui consiste à reporter à plus tard la décision. Mais il y a un point très important, c’est que la Cour suprême reconnaît que Florence Cassez n’a pas eu un procès équitable ; c’est absolument essentiel. Cela nourrit notre espoir en souhaitant à Florence Cassez de garder tout le courage qui est le sien pour faire face à cette situation extrêmement difficile.


Source: France Diplomatie

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