Le Premier ministre polonais, M. Donald Tusk, a entrepris une tournée des grandes capitales européennes pour discuter avec les Chefs d’Etat et de Gouvernement, dans le contexte de la crise ukrainienne qui met en exergue la dépendance étroite de certains Etats européens au gaz russe, de son initiative sur l’Union Energétique.

Avant de se rendre à Berlin le 25 avril, M. Tusk a rencontré à Paris, le 24 avril, le Président de la République Française. L’idée sous-tendant le projet d’Union Energétique est que les vingt-huit états membres s’affirment comme une entité unique et solidaire pour leurs importations d’énergie.

Il s’agit, a souligné le Président de la République lors de la déclaration commune qui a suivi l’entretien du 24 avril à l’Elysée, de « faire en sorte que l’Europe puisse être plus indépendante, plus cohérente, plus solidaire dans sa politique énergétique ». Il faut éviter, a-t- il poursuivi, que l’UE soit « dépendante d’une seule source d’approvisionnement », la Russie. Enfin, le Président de la République a estimé nécessaire « d’investir dans les infrastructures qui permettront de connecter toute l’Union européenne par un réseau de gazoducs », marquant de la sorte son accord en tous points avec l’initiative du Chef du Gouvernement polonais.

 

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Texte intégral du point de presse avec M. Donald TUSK, Premier ministre de la République de Pologne

Le Président: « Mesdames, Messieurs,

Une nouvelle fois, j’ai reçu le Premier ministre polonais Donald TUSK. Depuis deux ans, nous sommes en contact permanent, et je ne compte plus le nombre de voyages qu’il a faits à Paris et moi-même à Varsovie.

Nous avons évoqué nos relations bilatérales mais ce n’était pas le seul objet de notre rencontre d’aujourd’hui.

Ce qui nous a mobilisés, c’est à la fois la situation de l’Ukraine et une grande perspective que nous devons ouvrir sur l’Union européenne de l’énergie.

Sur l’Ukraine, nous avons deux objectifs :

Le premier, que l’élection présidentielle puisse se tenir le 25 mai de manière à ce que la légitimité du pouvoir puisse être consacrée à travers le vote des Ukrainiens.

Pour que nous y parvenions, il convient de tout faire pour que la désescalade puisse être engagée. Nous avons des signaux qui ne vont pas dans ce sens. Il y a néanmoins eu un accord à Genève. Nous demandons qu’il soit respecté dans son intégralité et s’il ne l’était pas, il y aurait nécessairement à renforcer les sanctions telles qu’elles ont été prévues par le Conseil européen.

Nous avons également un objectif qui est de permettre à l’Ukraine d’avoir une Constitution qui puisse assurer le respect des minorités et une décentralisation. Et ce qui suppose, là encore, que le dialogue puisse être engagé.

Dès lors nous devons condamner tout ce qui va dans le sens de la montée des tensions, de la pression militaire, et de ce qui peut dégénérer en un conflit qui serait extrêmement dangereux pour l’ensemble de l’Europe.

Nous avons, aussi, le souci de rappeler les principes qui sont ceux de la communauté internationale : l’intégrité territoriale, la souveraineté des Etats ; et c’est pourquoi il y a eu cette échelle de sanctions qui a été décidée par le Conseil européen, et ces sanctions auront à être prononcées s’il y a le moindre manquement.

C’est toujours ce même principe de fermeté et de dialogue qui doit nous animer.

Mais nous avons aussi abordé la question de l’union énergétique. C’est une proposition polonaise et je considère qu’aujourd’hui c’est une proposition franco-polonaise.

Parce que c’est une démarche que la France avait depuis longtemps engagée : faire en sorte que l’Europe puisse être plus indépendante, plus cohérente, plus solidaire dans sa politique énergétique.

Il ne s’agit pas de remettre en cause les choix que chacun des pays membres peut faire pour l’organisation de son énergie ou sa propre source d’énergie. Il s’agit d’avoir une politique qui puisse dans le moyen et dans le long terme, nous donner l’indépendance tout en respectant les objectifs qui seront, je l’espère, ceux de la communauté internationale lors de la conférence sur le climat :

– Nous devons avoir les prix de l’énergie qui puissent être les plus compétitifs possibles pour nos industries.

– Nous devons avoir une indépendance par rapport aux sources d’approvisionnement

– Et nous devons également être respectueux des accords que nous aurons à passer en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Et c’est en ce sens que nous nous retrouvons sur les six principales propositions qui ont été présentées et que Donald TUSK vous livrera dans quelques instants.

C’est très important que nous puissions convaincre d’autres pays et c’est la raison pour laquelle je souhaitais, dans la perspective du Conseil européen de juin qui aura à traiter de la question énergétique ; puis ensuite du Conseil européen à l’automne qui précèdera la conférence très importante sur le climat de 2015, que la France et la Pologne puissent convaincre l’ensemble des pays membres d’aller dans cette direction.

La Communauté européenne de l’énergie, voilà un beau projet pour que l’Europe puisse franchir de nouvelles étapes dans le sens de la solidarité, de la croissance, de l’emploi et également du respect de l’environnement et de l’indépendance. Une des idées est que nous puissions, aussi, nous regrouper pour acheter nos produits énergétiques et être ainsi plus forts dans les négociations. Mais je souhaite vraiment que ce projet de Communauté européenne de l’énergie ou d’Union de l’énergie puisse être maintenant porté par l’ensemble des pays membres de l’Union dès lors que la France et la Pologne se sont déjà retrouvées sur ses objectifs, sur ses principes et même sur ses propositions.

Donald TUSK : « Cher François, Mesdames et Messieurs, c’est un grand plaisir pour moi de pouvoir pleinement confirmer tout ce qu’a dit le président de la République française à l’instant.

Pour la Pologne, c’est un moment très important de pouvoir, ensemble avec la France, présenter ce projet commun d’union énergétique. Nous sommes tous les deux convaincus que ce projet peut servir toute l’Union européenne et cela, non seulement dans ces moments critiques liés à la situation en Ukraine mais également dans une perspective plus large, dans une perspective stratégique.

L’objectif étant que l’Union européenne ne soit plus dépendante pleinement d’une seule source d’approvisionnement, donc une réelle diversification, la baisse des prix de l’énergie, ce qui permet de relancer l’économie et la mise en pratique des valeurs européennes de solidarité. Cela serait encore un pas en avant pour une intégration pratique, concrète.

Nous travaillons sur cette intégration dans plusieurs domaines, par exemple dans le domaine bancaire. Mais, aujourd’hui, cet aspect énergétique accélère visiblement.

Et c’est justement à Paris que nous avons parlé, il y a quelques années, de cette nécessité de penser dans le cadre communautaire des achats énergétiques. Nous nous retrouvons aujourd’hui au même endroit. Bien évidemment, il nous reste un grand travail à accomplir, aussi bien aux Polonais, qu’aux Français, pour convaincre tous nos partenaires européens pour qu’ils soutiennent ces recommandations dont nous avons parlé aujourd’hui.

Je suis convaincu que l’intérêt évident des Européens et la pureté des principes qui nous guident, devraient suffire comme arguments pour convaincre.

Nous parlons de la nécessité de réaliser les valeurs européennes de solidarité lorsqu’on parle des achats communautaires, surtout pour ce qui est du gaz, mais nous parlons aussi de la nécessité de développer et d’investir dans les infrastructures qui permettront de relier réellement toute l’Union européenne grâce à un réseau de gazoduc par exemple.

Bien évidemment, à l’heure actuelle, nous parlons surtout du gaz mais cela concerne également d’autres sources d’énergie. Nous souhaitons aussi que l’Union européenne puisse s’ouvrir à d’autres sources d’approvisionnement, pour ce qui est du gaz, par exemple du gaz liquéfié. Nous pensons, ici, également, à la possibilité de signer rapidement des contrats avec les Etats-Unis et peut-être plus tard avec l’Australie qui semble un fournisseur très prometteur. Il y a aussi de potentiels fournisseurs au sud de la Méditerranée, nous prenons cela également en compte.

Quatrièmement, nous parlons de la nécessité de respecter les sources d’approvisionnement autonomes telles que l’énergie atomique, telles que le charbon propre ou telles que les ressources renouvelables. Je pense que l’Europe doit utiliser pleinement ce qui constitue notre atout européen, nos ressources européennes. Je pense que nous devons travailler de concert pour mieux utiliser les ressources énergétiques européennes. Nous en avons parlé avec Monsieur le Président, nous avons dit qu’il faut chercher des solutions qui sont favorables également au développement de la politique de lutte contre le changement climatique, politique que l’Europe mène de manière très ambitieuse depuis des années.

Bien évidemment, nous souhaitons également soutenir nos voisins qui fonctionnent dans le cadre de la communauté énergétique. C’est un projet qui est réalisé depuis des années. Je pense qu’il vaut d’être soutenu.

Je peux dire aussi avec beaucoup de satisfaction, comme je l’ai dit à Monsieur HOLLANDE, qu’Herman VAN ROMPUY a exprimé son soutien à notre proposition. Monsieur BARROSO et toute la Commission travaillent déjà sur les premières recommandations et premières propositions qui seront présentées lors du Conseil en juin.

Nous sommes convaincus, et je suis persuadé que tous les leaders européens vont également en être convaincus, que la situation actuelle à l’Est, va accélérer et donner une certaine rapidité à nos travaux sur cette belle idée européenne qu’est l’indépendance énergétique et la compétitivité de notre économie.

Je suis vraiment ravi de pouvoir vous dire que les Polonais et les Français s’entendent pleinement sur ces projets. »

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